FEEL THE VIBES

Who are you ?

Tout en me mordillant les lèvres de manière excessive, je dévisageais et analysais ma visiteuse surprise. Elle avait l'air interrogateur, à la fois réceptive à mon récit et distante de part sa méfiance. La jolie blonde s'était forgée une opinion blindée et là voilà déjà en train de faire sa loi, arme à la main. J'osais, par pure théâtralité, caresser du bout des doigts le bout de sa lame avant qu'elle ne décide de mettre un terme à sa menace. Un silence s'imposa, celui-ci entrecoupé du craquement d'une allumette qui me servit bientôt à allumer ma cigarette roulée à la va vite. Clope au bec, je pris le temps de la regarder encore de haut en bas, et j'étais forcé de constater qu'elle en imposait malgré son petit gabarit, c'était sans parler de son regard qui ne pouvait tromper personne. C'était bien elle qui menait la danse et elle m’entraînerai, de gré ou de force, à me soumettre entièrement à la vitesse de ses pas endiablés.
Tel un chien tenu en laisse, elle me jetait ses ordres à la face avec une assurance sans borne, postée là, debout, devant moi. En signe de bonne foi, je baissais la tête, me soumettant ainsi métaphoriquement à ces souhaits, puis restant assis là, je voulu entreprendre de lui expliquer qu'elle se trompait de cible. Pour éviter le malentendu, il aurait peut être fallu que je me montre plus clair dans mes récentes explications. Je voulu donc réitérer quelques éléments de mon passé, parsemé  de quelques précisions, qui serviraient à supprimer ses doutes. Des doutes, sur l’identité dont elle m'affublait déjà, qui sont survenus assez rapidement ; elle devait avoir l'habitude d'aller droit au but. Mais bon, avant d'entamer cet autre tentative de transparence, je ne pu m'empêcher de titiller son ego par inadvertance.

Eh bah, si je m'attendais… Oh excuse moi, mais te rencontrer ne me laisse pas indifférent. Quoique… Me servir le cliché de la tueuse froide et autoritaire… Bon, après tout, ça semble logique. Oui ! J’admets qu'à ta place j'aurais peut être opté pour ce même, euh… ce même comportement… Mais bon, passons …

En effet, c'est en m’entendant prononcer ces quelques mots distordus que je me rendais compte qu'elle pouvait prendre ces mêmes paroles pour une ultime provocation. Une maladresse envers celle là même qui me menaçait avec une épée, il y a de cela, à peine quelques secondes. Mon cerveau bouillonnait tellement qu'il avait tendance à lâcher quelques informations décousues et maladroites qui étaient sûrement dues à sa mécanique de pensée parfois impossible à contrôler. Me retrouver face à la tueuse, la légendaire Buffy Summers… Moi qui avait imaginé tant de fois les traits de caractère de cette femme si différente des autres, si impressionnante et mystérieuse de part son histoire et son existence. Le mythe entourant l'élue, son origine, sa raison d'être. Une âme condamnée à se battre toute sa vie. Une arme, l'arme des lois de l'univers pour protéger la Terre… L'existence d'une femme qui était si importante que des organisations complexes et influentes se propageaient à travers le monde pour chacune de ses femmes à la fois élues et prisonnières de leur être.
Mon père m'en avait souvent parlé, il m'avait souvent conté des anecdotes de combats, des luttes impressionnantes menées par d'anciennes âmes élues à un destin malheureux. Bien sûr, il attendit un âge convenable pour m'en dévoiler les faces sombres, bien que l'âge raisonnable soit subjectif pour chaque parents car les miens me considéraient déjà comme un homme lorsque j'avais tout juste six ans. Bref, je m'égarais… Donc pour en revenir aux tueuses et au comportement fougueux de la jolie blonde qui se jouait maintenant; c'était exactement ce à quoi je m'attendais de la part d'une de ces femmes de légendes et cela me décevait tout autant que cela excitait mon joyeux intérêt. C'est ainsi que je vins à glisser ces paroles quelques peu détonantes d'une réponse qu'elle attendait sûrement différente mais à présent, l'heure était à la confiance, et il me fallait absolument l'attiser pour la rendre possible avec cette prochaine tentative.

Je pense trop ! Pour en venir au fait, je ne suis pas un observateur. Toutes mes excuses si j'ai laissé entendre le contraire, mais crois moi, si le conseil t'observait, c'est plutôt moi qu'il surveillerait de près.

Après cette phrase lancée instinctivement afin de faire oublier mes dernières paroles, je me rendis vite compte qu'elle pourrait paraître ambiguë. La tueuse ne portait pas le conseil dans son cœur, et ça je le comprenais plus que n'importe qui pour en avoir moi même fait les frais au cours de ma vie ; mais elle n'allait pas se satisfaire d'une telle réponse. Si elle comprenait, à travers mes phrases, que les observateurs ne m'accordaient pas leur confiance, elle allait forcément se demander si je n'étais pas encore plus menaçant qu'à l'instant présent.
Je me répétais en silence reprends toi Prince. D'ordinaire, j'étais plutôt confiant et calme dans ma manière d'aborder les gens, pouvant même paraître arrogant pour certaines personnes, mais là, en plus d'être exténué, j'avais le souvenir de la porte de l'armoire reçue en plein visage qui commençait à faire ressortir sa gênante douleur. N'ayant pas le temps de me laisser distraire par cette sensation nouvelle, je voulais simplement que ma prochaine approche serve à éclaircir pour de bon la situation, il fallait que je me rattrape sans trop tarder sous peine d’aggraver le moment.

Pour être clair, je ne suis pas ami avec le conseil. Mon père est observateur mais moi non. Je me considère comme un simple humain qui pratique la sorcellerie pour la cause du bien. Je pris le temps de déglutir.
Alors attention, je partage le même but qu'eux, soyons clair, mais on ne peut pas dire que nous partageons vraiment les même valeurs. Je crois que tu peux comprendre ça, n'est ce pas ?

Évidemment, j'avais dans son dossier voisin les détails de son passé et des ses rapports conflictuels avec l'organisation de Londres. Puis étant donné sa réaction face à ma découverte, la question pouvait sembler dérisoire mais elle avait au moins le mérite de leur trouver un premier point commun.
Mes esprits avaient repris leur place et je m'affichais dorénavant plus avenant, détendu, faisant preuve d'une certaine assurance toujours quelque peu fauchée par la fatigue qui se lisait sous mes yeux cernés. Après avoir écrasé le mégot qui commençait à me noircir les ongles, je continuais sur ma lancée.

Bon, Buffy, je suis conscient  que je peux paraître étrange à tes yeux ce soir. Mais je crois qu'il y a bien plus important, quelque chose se joue ici non ? Sais-tu pourquoi tu es de retour sur la bouche de l'enfer ? Sais-tu qui t'y à pousser, quelles forces sont derrière tous ce chaos qui règne aujourd'hui à Sunnydale ? Je ne vais pas te mentir, je pense que nous pouvons nous entraider. Après tout nous avons les mêmes aspirations...

Je me gardais bien de lui dévoiler mes réelles intentions. Comprendre tous les tenants et aboutissants de ce nouveau chapitre qui se déroulait là, en ce lieu de malheur. Comprendre, pour mieux faire face à la menace du mal. Comprendre, pour toujours être le mieux renseigner avant d'agir. Comprendre, pour savoir quel comportement adopter face à tous les protagonistes de ces histoires entre réalités différentes qui s'entremêlaient pour n'en former qu'une seule. Comprendre, pour, peut être, être sûr des choix difficiles qui pourraient se présenter dans l'avenir, quitte à devoir sacrifier un ou deux pions de l'échiquier si jamais l'équilibre de la vie sur Terre en dépendait un jour…