FEEL THE VIBES

La violence. Un déferlement de violence bien trop puissant, bien trop présent pour ne pas y déceler ce combat interne qui s'agite en elle. Je pourrais rire de cette situation. C'est  comme si elle me massacrait le corps et le visage pour ne pas sentir le trouble qui échauffe son être. Amusant. Excitant. Terriblement excitant même, mais, je ne ferais en aucun cas le pas vers elle pour lui offrir la délivrance de ses vices. J'ai la nuit, un temps infini devant moi pour savourer cette déchéance exquise. C'est toujours beau, de voir de ses yeux la chute d'un être empli de bonté. Une délectation, une saveur particulière, un bonbon sucré aux notes acidulées. J'ai déjà vécu ça dans le passé, dans un passé lointain, un passé qui se compte en années, en siècles peut-être même à présent. Une femme, une déesse aux yeux de ceux qui la côtoyaient, une sainte, pure, chaste. Douceur, sourire accroché au visage à longueur de temps. Une intouchable, recluse dans une maison, seule à prier des dieux que tout le monde a oublié à ce jour. Si belle que je me suis laissé happer par cette aura, si belle que j'ai eu l'envie irrépressible de la souiller, qu'importe la manière. Un divertissement comme un autre pour un démon tel que moi. Ce souvenir revient alors que la Tueuse se bat contre ses propres troubles. Ce souvenir m'arrache un sourire alors qu'elle est pendue à ma poigne. Si belle, si dangereuse. Sous mes doigts, elle succombe peu à peu et elle continue de se battre contre moi mais surtout contre elle-même. Je me délecte de ses émotions ambivalentes qui la traverse, la transperce de toutes parts. C'est bien plus enivrant que ce que j'ai pu goûter un peu plus tôt dans la soirée au restaurant.  

Je finis par la lâcher. Toujours dans cette optique de jouer, d'être tel un chat avec sa proie. La relâcher pour voir ce qu'elle fera ensuite. C'est sans doute dangereux, un pari risqué. Ai-je peur de mourir ce soir? Ai-je peur de mourir de sa main? Aucunement. Il y a en elle cette bataille, ce tsunami qui risque de nous terrasser, elle comme moi, au terme de cette rencontre. Et cette finalité ne me laisse pas indifférent, j'ai même hâte de découvrir comment cette nuit va se terminer. Il y a en moi le goût du risque, l'avantage de l'immortalité sans doute et surtout un désir ardent de la voir perdre. Je garde sur la gueule un léger sourire, moqueur, victorieux par avance qui doit l'agacer au plus haut point. Je ne te propose rien, aucun pacte… Je ne vois pas pourquoi tu penses cela. Même si t'avoir dans nos rangs serait un sacré atout. Un rire s'échappe de ma gorge. Ce monde ne t'a pas attendu pour se protéger sans toi, il a tourné sans toi et continuera encore après toi. Tu n'es plus indispensable Buffy Summers. Tu dis être la même? Qui essayes-tu de convaincre avec ces paroles creuses? Toi-même tu sais, tu le sens que tu n'es plus la même. L'enfer laisse des traces. L'enfer ne laisse personne indemne. L'enfer te dégueule hors de ses entrailles et il réside sur toi ou en toi son infecte noirceur. Mon visage se durcit au fil des mots, ma voix demeure toujours profonde et rauque, elle se ment et je trouve ça presque pathétique de sa part. Je ne suis pas un de ses amis, je ne suis pas stupide au point de croire ce qui sort de sa bouche.

Je me redresse lentement en sentant l'ouragan gronder en elle. Mes paroles ne vont en rien apaiser la furie, bien au contraire… et qu'importe. Mon but est de la pousser dans ses derniers retranchements maintenant que j'ai perçu la faiblesse en elle. Enfin des paroles sensées. Fais de moi un mauvais souvenir alors Tueuse. Mon corps tout entier se tend, le tsunami approche, les vagues vont être violentes, dévastatrices. Ses attaques sont puissantes, motivées par la rage, par la colère, par ce sentiment qu'elle tente de refouler le plus maladroitement du monde. Elle se rue sur moi, déchaînée, animée par le désir ardent de détruire ce qui la rend terriblement faible ce soir. Je riposte, mes coups sont parés et pourtant, je jubile de la voir se démener de la sorte. La sueur perle à ses tempes, ses boucles blondes se plaquent sur sa peau et elle en devient que plus sublime. Ses poings brisent des côtes, me coupent le souffle, et me déboitent l'épaule. Elle se lance dans les airs et je peine à éviter les coups de pieds qui me refont une fois encore le portrait. Je me retrouve projeté sur le sol en sang, la respiration difficile et haletante. Elle n'est pas mieux, j'ai pu lui briser quelques côtes aussi en lui assénant un violent crochet du droit avant de m'effondrer sur le sol poussiéreux. Des bruits sourds se font à nouveau entendre, ceux de mes os. La mélodie sinistre du squelette qui se reforme pendant ce laps de temps qu'elle donne à mon corps de retrouver un aspect potable.

Mais ce déferlement n'est en rien suffisant pour étancher sa soif de violence. Je le sens, impossible de passer à côté de cette montée d'adrénaline qui l'étrangle, l'étouffe littéralement. Et elle fond à nouveau sur moi, brise de nouveau mes côtes et m'arrache cette fois des gémissements de douleur. Un simple humain serait mort depuis le début du combat. Elle s'acharne, déchaîne toute sa puissance contre moi. Des bris d'os perforent un de mes poumons, je place mon bras en protection sur le flanc déjà bien amoché pour que la guérison puisse se faire. Il y a un côté plus faible chez elle, un poing dominant l'autre un peu moins puissant. Je déguste pour le coup, le souffle brisé, rauque, orné de râles douloureux. Je pourrais lui échapper. Profiter d'une respiration de sa part pour m'éclipser de son étreinte mortelle, me retrouver dans ma suite pour y recouvrer mes forces. Mais, pas maintenant. Il y a toujours dans sa rage une part de stupre. La gueule éclatée, du sang perlant de toute part, je retrouve un visage humain juste à temps pour remarquer le changement de position. La détermination dans son regard. Le coup de grâce, du moins elle l'espère. Ses prunelles se posent l'espace d'un instant sur ma chemise et je comprends le dernier assaut qu'elle souhaite donner. Je ferme les paupières et visualise mon cœur, que le soin se fasse autour de ce dernier. Des os consolidés sont toujours plus durs que des os intacts. L'impact est douloureux, il me brise le souffle et m'arrache une fois de plus une complainte qui s'écrase contre elle et se répercute contre la brique.

La tueuse n'a pas atteint mon cœur mais, il me faudra une journée entière pour récupérer totalement de ce combat. Le corps en sueur et sang, elle parvient encore à me soulever pour me plaquer contre le mur. Je suis déterminé, prêt à la repousser violemment pour ne pas subir encore plus longtemps ce déferlement de rage. Il faut que je reprenne mon souffle. La Tueuse en a décidé autrement. Une fraction de seconde. La rage qui s'éclipse au profit de l'abandon total. Sa bouche cueille la mienne sauvagement. Je ne réalise pas qu'elle a cédé. C'est la surprise qui prime et qui me rend immobile à cette attaque avant que mes bras ne l'entourent. Elle m'échappe, se recule. Un sourire ourle pourtant déjà mes lèvres. Les tourments reprennent, je les sens, palpables alors que la barrière s'effrite entre haine et désir. Le mélange des deux est explosif, savoureux, dangereux, instable surtout. Elle recule encore. Se bat uniquement contre elle-même cette fois. Ce temps est salutaire pour mon corps qui ne souffre plus que d'ecchymoses multiples. Un goût métallique contre la langue, c'est rien comparé à ce que j'ai enduré. J'avale ma salive, bouge les bras pour en chasser l'engourdissement. D'un geste de la main, je vire les mèches argentées teintées de carmin de mon visage tout en savourant la lutte interne qui se joue sous mes prunelles. Elle fond de nouveau sur moi, ses jambes s'ancrent à mes hanches alors qu'elle arrache ma chemise. Haussement de sourcil accompagné d'un grondement. Ma respiration profonde soulève mon poitrail musculeux qu'elle a entaché de ses poings. J'ai perdu de ma superbe… à moins que ce soit les corps amochés, aux ecchymoses multiples qui la font vibrer. Qu'importe. Son regard en dit long. Plus de retour en arrière possible à présent.

Sombre. Sombre Buffy Summers. Si l'air venait à te manquer je serais cet oxygène secourable. Si tes jambes menacent de te lâcher, je serais le bras qui te maintiendra toujours droite et fière. Qu'importe la noirceur qui étreint tes entrailles. Qu'importe la violence qui jaillira de tes poings. Qu'importe la douleur. Qu'importe la souffrance. Quand un ange devient déchu, il lui faut un temps d'adaptation. Perdre ses ailes est un supplice. Perdre la reconnaissance, le regard tendre de ceux qui nous sont chers est une torture. Qu'importe tout ça. Tu traversera les limbes, le purgatoire et tu renaîtras, deviendras une autre tout en demeurant la même. L'or se mêle aux émeraudes alors que ses lèvres retrouvent les miennes, que sa langue se mêle à la mienne et que ses soupirs meurent dans ma bouche. Un grognement m'échappe, ma main droite se perd à sa nuque pour lui interdire de se reculer cette fois, ma gauche se plaque contre ses fesses pour la maintenir. J'inverse nos positions, la plaque contre le mur en briques avec fermeté. Je me perds dans ce baiser. L'adrénaline se mêle au désir, mon être tout entier veut la faire mienne. Le plan était de la faire succomber, pas que je me vautre dans la luxure avec elle… Les plans sont faits pour être modifiés. Je romps le baisers, pose de nouveau mes prunelles sur elle, plus de moquerie, juste moi, D'Hoffryn. Haletante, des perles de sueur ornant sa peau pour se mélanger harmonieusement avec le sang versé. Le mien ou bien le sien? Qu'importe, c'est pas l'état de son être qui va m'arrêter.

Je viens à nouveau à l'assaut de ses lèvres, baiser fiévreux. Je recule le buste pour pouvoir y passer mon bras qui maintenait sa nuque pour venir caresser sa peau brûlante sous son haut. Mes doigts rencontrent les affres de mes coups, je la sens se crisper quand je passe sur son ventre, ses côtes… La douleur et le plaisir sont liés. Et je ne suis pas un tendre amant. Pour preuve, je me déplace encore et finit par la mettre allongée sur le sol sans une once de douceur  ravivant certainement ses blessures. Rien n'est confortable mais j'aime ressentir la vibration de la bouche de l'enfer, c'est comme un rythme entêtant qui envahit mon crâne, un bourdonnement sourd, étouffé. Tout comme Buffy si je ne romps pas une fois encore ce baiser. Je suis excité, inutile de le nier, elle le sait elle aussi, elle le sent bien tout contre ses fesses. Genoux à terre, je retire ce qu'il reste de ma chemise et m'attelle à retirer son t-shirt. Grognement de satisfaction, de contentement. Ma main droite prend appuie pes de son visage et c'est à mon tour de plonger sur elle, mes dents jouant avec son cou, mes doigts parcourant sa peau à nu reposant sur le sol poussiéreux du lycée. Je prolonge mes caresses, presse sa cuisse toujours sur ma hanche, mon corps ondule, frémit d'impatience de ne faire qu'un avec la Tueuse. Dis-le Buffy… Reconnais que tu n'es plus la même. Je pourrais te laisser seule avec ce trop plein de désir et de frustrations en un claquement de doigts si tu me mens. Joueur jusqu'au bout, je ne suis qu'une sale pourriture après tout.